samedi 13 octobre 2012

Oradour-sur-Glane

Cette série de photographies a été exposée au Palais du Luxembourg en janvier 2007, sous le titre Le Chant d'Oradour, accompagnée par des textes de Marie-Noëlle Agniau, Laurent Bourdelas, Alain Lacouchie et Jean-Pierre Siméon. Elle a obtenu le label Sélection du Printemps des Poètes.




Il fut un temps, cela s’est perdu, où l’on nommait âme l’habitant d’un lieu. Combien d’âmes dans ce village ? disait-on.
Mesure-t-on bien ce qu’il y avait de précieux dans cette manière de dire ?  On désignait là ce qu’efface le recours à ces termes abstraits et impersonnels que sont populations – habitants – résidents…, à savoir la présence irréductible et fragile, sous les architectures de pierre, de bois ou de paille, de l’humain. Je crois que cette amnésie qui oblitère sous la quantification et la généralisation la qualité d’être, est la source de toute barbarie. Or voilà ce que manifeste le destin tragique d’Oradour sur Glane : le principe de toute barbarie, la négation de l’âme. On n’y a pas seulement détruit un village, massacré une population : on y a brûlé des âmes. Ou du moins était-ce le vœu aussi naïf qu’ignoble de ceux qui accomplirent la lâche besogne : annuler, annihiler, éradiquer toute présence. Mais cela ne se peut pas. Quiconque marche ici dans la ruine déserte, qu’il croie au ciel ou qu’il n’y croie pas, qu’importe ! S’il est seulement attentif à ce qui ne se voit pas et ce qui ne s’entend plus, il voit et entend dans le vide et la disparition la plus intense des présences, l’âme qui demeure de ces hommes et de ces femmes qu’on voulut abolir. De cela rien ne viendra à bout, sauf l’oubli. C’est à notre mémoire d’abriter désormais l’âme subsistante de ceux d’Oradour, à nous de la protéger du vide et du froid, car, on le sait, l’âme des vivants est la seule maison des morts. Et c’est de nous au fond aussi qu’il s’agit, de notre âme de vivant. Nous devons d’elle donner la preuve qui vient si tôt à manquer. C’est question d’attention.  L’attention, disait Malebranche, « est la prière naturelle de l’âme ».

Jean-Pierre SIMEON.
  
Poète, Ecrivain, Directeur artistique du « Printemps des Poètes ».

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